LUME LUNE

la lune éclaire encore
et toi tu vacilles

le jus d’carafe aussi sombre
qu’un double expresso matinal
le monde t’est pénombre
la vie te vient brutale

la lune éclaire ton ombre
et toi tu te fendilles

les mots en friche empêtrés
aux coins de la bouche
la douceur de vivre écrasée
aux coins des yeux

la lune est claire encore
et sa rondeur te fait pâlir

qui voudrait naître sous les bombes
de sa propre espèce ?
qui pour choisir l’hécatombe
en place de tendresse ?

la lune est lume alors
tes larmes de ne pas retenir

l’arc-en-ciel au cœur
tu déploies tes ailes
refuse que malheur
gouverne et veille

la lune traîne à l’aube
sa mélodie silencieuse
et lentement tu titubes
sans paroles précieuses
ni magie ni pourquoi

tu sais comment le soleil se lève
que la terre tourne simplement
tu sais comme la bêtise est humaine
que la violence porte des gants

tête au sol, corps en boule
bras le long en arrière
écroule-toi mollement
écoute-la qui reprend
respire
respire
respire

la lune au clair du jour
s’attarde encore un peu
musarde flotte rêve
froisse-plisse les yeux
tisse quelques notes
sous la toile de lume
s’éclipse tulle-voile
au détour d’un nuage




CONTE-TEMPS POREUX

je suis un compte-gouttes
conte coute que croûte
emmenthalement creusé
de futur, nouvelles idées

gentiment lézardé
d’origamis planqués
si prêts d’éclore
bah mince alors
pis zut encore
oublié d’arroser

le pied c’est dansant
le vers ça chatouille
la rime ça dépend
et l’encre qui rouille

temps pareil
tant peureux
trop tempère
tempo-oreille

taon-péril
paon piteux
peu altère
rêve-terril

papillonnent
vers ni sots
filent sillonnent
pores du flow




SORT SCIÉ

les gens sont joie 
les gens font fête
iels célèbrent
la guerre est fi…
…était…fi
ni ne le sera

les hommes ne dansent-ils pas ?
les femmes ne dansent-elles pas ?
non
personne ne s’amuse plus

iels tremblent
comme si le ciel
avait perdu tout temps
qui semblait le sol
et le chaos à la fois

et les enfants trinquent
et trinqueront
à la santé
mentale
perdue

les oiseaux
et les oiselles
disparues
de leurs jeux
elleux aussi

ainsi font les gens
ainsi se perdent tant de vies
heureusement
pas toutes
car il en est
que le mot tuer
effraie

chouette

pourrait-on rallumer enfin
celle qui sait l’harmonie
sans verser le sang,
celle qui nourrit le cœur
et guide le sens,
celle qui pare le temps
de perles d’infini,
mélodie de paix,
raccord des ons,
guérisseuse des plaies
et des mauvais dictons,
fée des plumes ?

lume

l’hume main
mais jamais n’étreint
l’autre

est-ce vraiment si
sort scié ?

prêtons-nous nos lumes.

CROWING



as I have been
watching them
so often
you would think by then
I would be at last
as balanced as
any other bird can be

nope
and I knew I wouldn’t

though I always had wings,
the few times I tried
opening them
carefully wrongly
I mostly managed
to lock them tied
but then it came
all of a sudden
rush thrust push trust
and here they were
unfurled

so
later on
when I’m gone
if your eyes ever come across
one really clumsy crow
and if it seems to you
it rather swims in the air
than truly flies
you’re welcome to believe
this bird
will definitely maybe be
the one I have become

uneasily happy
yet still
very much lucky
to keep on
keeping it up

an exceptionally
goofy crow

MIGUE EN TRAM

j’aime parmi les rangées 
d’yeux, de manteaux,
de sacs, de cheveux,
croiser le visage radieux
d’une maman fatiguée
tourné vers son enfant

son regard tendre
son sourire bienveillant
alors qu’elle s’apprête
à lui parler doucement

aussi ce même visage
cette même expression
de toute personne
quand elle adore le livre
dont elle tourne les pages,
ou le festin contenu
dans une boîte entre ses mains,
ou encore la musique
qui émane de son casque,
le silence doucereux
après l’étreinte et l’éteinte
de son monolithe en réseau

le jour a accueilli la nuit
la lumière des phares
éclaire d’étoiles
de flou
la vitre

on se surprend
à aimer les gens
à croire
en nous

doucement